Laura Katz est une violoniste virtuose qui a épousé l’homme dont elle est tombée éperdument amoureuse trois ans auparavant, le talentueux chercheur, Erik Hilgarson. Leur couple et leur histoire d’amour sont magnifiques sur papier glacé… mais parfaitement illusoire. Dès le début du livre, Laura va brutalement être tirée de ses rêves. Et petit à petit découvrir le dessous des cartes. Les mensonges de cet époux qu’elle adore, de ceux qui l’entourent. Mais aussi un monde qu’elle ne soupçonnait pas, transgressif, sans limite, si éloigné de son univers. Dans sa quête de vérité, elle va devoir s’associer à Raphaël Ruis, un capitaine de police qui fait face, lui aussi, à un cas de conscience cruel dans son couple. Au final, ils vont agir comme des miroirs, l’un envers l’autre. C’est la fin des illusions.
Vous êtes journaliste scientifique à Sciences et Avenir, et vous avez beaucoup écrit sur le cerveau. La molécule mise en scène dans votre fiction, l’AT37, existe-t-elle réellement, dans le cadre des recherches sur la maladie d’Alzheimer ?
Oui ! Elle a été découverte par un célèbre Institut. Elle porte un autre nom mais sa fonction est bien d’attirer les nouveaux neurones que l’on produit chaque jour de façon à combler les lésions ; elle s’avèrerait très prometteuse dans les maladies neurodégénératives. Je m’appuie ici sur ma connaissance des recherches en neurosciences, mais aussi sur des discussions à bâtons rompus que j’ai eu la chance d’avoir avec des chercheurs qui ont accepté de jouer le jeu des hypothèses : et si cette molécule découverte chez la souris était utilisée chez l’homme, et si on n’avait la possibilité de se doter de super pouvoirs… faudrait-il le faire ? Erik Hilgarson, l’époux de Laura, a tranché ce débat éthique et entend franchir ce pas, pour améliorer l’espèce humaine. Comme les autres personnages, il est déterminé, il ira jusqu’au bout.
On parle beaucoup en ce moment dans les médias de « l’homme augmenté » et du transhumanisme. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
C’est un courant de pensée qui prédit que le futur de l’homme passera par sa fusion avec la technologie et souhaite mettre toutes les découvertes de la science au service d’un homme amélioré, surhumain voire immortel. Né aux États-Unis, ce mouvement fait des émules partout dans le monde aujourd’hui, financé par certains milliardaires de la high-tech. Je m’y intéresse et les suis de près depuis plusieurs années. Il se subdivise en sous-branches désormais, plus ou moins extrêmes. Un des groupes les plus trash s’appelle les body hackers, les hackers du corps humain. Des jeunes qui estiment que cette fusion avec la high-tech doit se faire dès aujourd’hui, peu importe les risques. Erik Hilgarson fait partie de ces gens séduits par la perspective de devenir parfait ou du moins, meilleurs qu’ils ne sont.
Le milieu des body hackers que vous décrivez permet de mettre en avant les limites de ces avancées scientifiques. Vous connaissez bien cette communauté pour avoir réalisé un reportage sur ses pratiques. Pouvez-vous nous la présenter ? Cette communauté pourrait-elle utiliser ces avancées à des fins peu éthiques, voire dangereuses ?
J’ai en effet rencontré un des groupes les plus actifs de body hackers, dans une banlieue de Pittsburgh, lors d’un reportage pour mon magazine en 2012. Ce sont de jeunes scientifiques doués, qui font de la science de garage. Ils sont convaincus que nos corps imparfaits peuvent être améliorés dès maintenant. Ils testent sur eux des implantations de toute sorte ou des dispositifs pour acquérir de nouvelles potentialités, en prenant de grands risques. Ils ne sont pas prosélytes, n’ont aucune visée mercantile et sont même vraiment sympas ! Tout l’opposé de mes personnages, Luka More et Pandora, des quasi-cyborgs qui nous font basculer dans un monde barbare, émotionnellement régulé, désincarné. Il n’est pas exclu que ce soit eux les modèles de l’humain de demain.
À contrepied de votre univers scientifique, vous installez votre héroïne dans un univers musical. Pouvez-vous nous en parler ?
Laura est née dans la musique classique (son père était concertiste) et vit dans cette bulle dédiée au violon, depuis toujours. Un cocon qui lui a permis de ne pas sombrer lors du suicide de sa mère.
C’est comme si, grâce à ses notes omniprésentes, entêtantes, elle avait échappé aux réalités de ce monde. La musique la protège, la structure. Et comme son ambition l’a poussée à devenir soliste, elle est d’autant plus enfermée dans un monde à part, hors tout, solitaire. Je voulais l’installer dans ce milieu protégé, contemplatif, où la vie est perchée – malgré les vicissitudes de la vie d’orchestre – pour la protéger de la modernité. Son mari la préserve tout autant, lui adoucit la vie. Jusqu’au choc. Elle va non seulement découvrir la vérité sur son amour, mais aussi découvrir ce qu’est la réalité actuelle, la violence d’un futur qui se prépare.
Votre roman est construit sur des antagonismes. L’humanité que vous décrivez présente une forte dualité. Est-ce ainsi que vous la voyez ?
Cet antagonisme révèle, je crois, mes conflits intérieurs. Je suis, nous sommes, aujourd’hui à la croisée des chemins. Plusieurs futurs sont à notre porte et il va falloir faire des choix avant que d’autres les fassent pour nous. Quel homme ou femme voulons-nous être demain? À quelles relations humaines aspirons-nous vraiment ? Après quoi courons-nous ? Laura, Erik, Raphaël et les autres portent toutes ces questions et y répondent à leur manière. Ce que je ne sais pas encore faire !