En effet. À l’heure où s’éteint Henri II Plantagenêt et où son fils Richard ceint la couronne d’Angleterre, l’Occident s’indigne et s’enflamme. Le royaume de Jérusalem est tombé aux mains du redoutable Saladin. Comme du temps du premier mariage d’Aliénor d’Aquitaine et de Louis de France, un appel à la croisade a été lancé du haut de la colline du Vézelay et nombreux sont ceux, rois, chevaliers ou roturiers, qui ont décidé de la mener. C’est à cet instant que débute ce roman qui fait suite au cycle précédent d’Aliénor. Parce que la saga aventureuse et unique de cette famille est loin d’être terminée.
Pour la première fois un homme, Richard Cœur de Lion, le fils d’Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine, est le personnage central de votre roman : décidé à mener croisade, déchiré de devoir se séparer de ceux qu’il aime, il lutte à la fois pour conserver et affirmer son pouvoir. Pourquoi avoir choisi de le placer au cœur de votre intrigue ?
Richard Cœur de Lion est sans doute l’un des personnages les plus charismatiques de l’histoire anglaise après le roi Arthur. Et pourtant, que sait-on vraiment de lui ? La légende de Robin des Bois a fini par supplanter la sienne. On a célébré l’adversaire de Saladin. Mais l’homme ? Croyez-moi, il est à la hauteur ! Chevaleresque, impitoyable, mais juste. Il possède de sa mère, Aliénor d’Aquitaine, cet esprit d’indépendance farouche, mais aussi la chaleur humaine et la ténacité. Jusque-là dans mes romans, les femmes se trouvaient au premier plan. Elles ne sont pas oubliées dans celui-ci, car sans elles, sans leur amour et leur abnégation, Richard Cœur de Lion n’aurait pas atteint sa dimension légendaire.
On retrouve avec joie les personnages de vos cycles précédents : la magnifique Aliénor d’Aquitaine, la légendaire Loanna de Grimwald, leurs enfants qui grandissent…
Ils demeurent la clef de voûte de cette saga. Parce que Loanna de Grimwald et son époux troubadour Jaufré Rudel ont vécu leur exil en Orient, qu’ils y ont lutté déjà contre Saladin, leur présence est une aide précieuse à Richard. Quant à Aliénor, semblable à elle-même, elle fait feu de tout bois. Vous la verrez traverser l’Italie à pied pour ramener une épouse légitime à son fils aux côtés d’Eloïn, la maîtresse en titre de celui-ci, ou prendre l’épée pour affronter son cadet. Chacun de ces personnages d’hier a encore un combat à mener. Pour certains d’entre eux, ce sera le dernier.
À leurs côtés, on découvre des personnages très noirs : Jean sans Terre, enfant mal aimé qui intrigue sans relâche, ainsi que son terrible acolyte, Pierre Basile…
Parce que de tout temps le pouvoir fut source de convoitise, chaque guerre vit naître traîtres et félons. Jean ne rêve que de ravir le trône d’Angleterre à Richard. Ces êtres, nés de noirceur et de vengeance et unis dans le mal, seront prêts à tout pour atteindre leur but, y compris à déterrer d’antiques malédictions.
Nous découvrons aussi le grand Saladin, dont la personnalité ambiguë désarçonne quelque peu vos personnages…
Aussi charismatique que Richard, Saladin reste encore aujourd’hui une référence dans le monde arabe. Il est celui qui enleva Jérusalem aux chrétiens. On lui prête de grandes qualités humaines et tout à la fois une impitoyable soif de conquête. Il est plus proche de son adversaire qu’il n’y paraît et, cependant, tous le craignent. Loanna de Grimwald la première. Peut-être parce qu’elle connaît, mieux que d’autres, quelques-uns de ses secrets les mieux gardés…
Votre roman est très documenté, comment procédez-vous ?
Je travaille sur archives, je fais énormément de recherches. Mais aussi pointues que soient ces recherches, je ne perds jamais de vue l’essentiel : je suis une raconteuse d’histoires, pas une historienne. Mon but est avant tout d’emporter mes lecteurs, et je laisse la liberté à ceux qui le souhaitent de déterminer ce qui relève du possible ou bien de la vérité historique. Même si, croyez-moi, l’un et l’autre sont intimement mêlés. Certains de mes amis historiens se sont parfois demandé si mon imagination ne permettrait pas de combler certains blancs de l’histoire ! C’est le plus beau compliment qu’ils m’aient fait.
Vous mêlez très habilement histoire et légende : ainsi l’enfant illégitime de Richard Cœur de Lion devient le fils d’une descendante des grandes prêtresses d’Avalon et détient l’une des trois épées magiques, Durandal, Excalibur et Marmiadoise.
La légende de trois lames flamboyantes forgées en des temps immémoriaux est connue dans tout le monde celtique. Les chroniqueurs d’Henri Plantagenêt affirment que ce dernier a découvert Excalibur, ceux de Richard qu’elle fut emportée en Sicile au cours de la troisième croisade. Durendal fut déterrée à Blaye, dans le sarcophage de Roland de Roncevaux ; quant à Marmiadoise, elle fut trouvée dans le sol d’une cellule sur l’île des Bannis, autrefois située au large de l’Irlande. Toutes trois ont une existence historique. Et pourtant, c’est dans la légende qu’elles trouvent leur raison d’être. Quant à Philippe de Falconbridge, l’histoire ne dit pas qui fut sa mère, mais elle dut compter dans la vie de Richard Cœur de Lion car c’est la seule femme qu’il posséda… Et cela, l’histoire l’atteste.
Vous nous laissez sur notre faim au terme d’un roman haletant ! Avez-vous déjà commencé l’écriture d’une suite ?
Évidemment ! Elle clôturera cette saga commencée, pour moi, il y a un peu plus de dix ans.