Interview de l’auteur
Ramsès III est le dernier grand pharaon de l’Égypte antique. Peu connu, il a pris pour modèle Ramsès II, près de vingt ans après son règne, avec lequel il n’avait pourtant pas de lien de parenté. Pouvez-vous nous le présenter ?
Lorsque le règne de Ramsès II s’achève, en 1212 avant J.-C., l’Égypte est au sommet de sa richesse et de sa puissance. Vingt-six ans après, lorsque Ramsès III est choisi pour monter sur le « trône des vivants », la situation a beaucoup changé. L’Égypte a subi des crises, notamment économiques, plus ou moins résolues, et surtout, elle est menacée par des envahisseurs jusqu’alors repoussés.
Nous ne disposons pas de biographies des pharaons, car cet aspect n’intéressait pas les anciens Égyptiens. Les textes relatent leurs actions, en privilégiant le maintien des rites, jugés essentiels pour assurer la cohérence du pays.
L’homme qui va régner une trentaine d’années accède au pouvoir suprême vers l’âge de quarante ans. Il est un dignitaire expérimenté qui connaît les rouages de l’État. Pourtant, rien ne le désignait à devenir pharaon. En acceptant cette charge, avec l’accord d’une épouse qui deviendra une grande reine, il prend une décision surprenante : se rattacher au règne de Ramsès II, qu’il admire. Il devient ainsi le troisième de la lignée des Ramsès, « les Fils de la Lumière ». Le nom d’un pharaon annonce son programme de gouvernement. En devenant un nouveau Ramsès, le troisième du nom proclame sa décision de redonner à l’Égypte toute sa grandeur. Pari risqué, qui sera réussi. Nous sommes en présence d’un dirigeant déterminé, volontaire, courageux, attaché aux traditions, conscient des dangers, et qui tient à honorer le nom prestigieux qu’il porte.
Le règne de Ramsès III fut difficile, avec trois tentatives d’invasions, notamment celle très violente des Peuples de la mer…
Le Proche-Orient de cette époque est en pleine ébullition. La paix instaurée par Ramsès II n’est plus qu’un lointain souvenir. En raison de ses richesses, l’Égypte attire la convoitise de nombreuses ethnies qui vont se rassembler sous la dénomination de « Peuples de la mer ». Sous
l’impulsion de chefs de tribus, ils vont décider d’envahir l’Égypte à la fois par voie terrestre et par voie maritime.
Bien informé, prévoyant, Ramsès III dote son pays d’une arme nouvelle : une marine de guerre. Aussi se prépare-t-il à livrer la première bataille navale de l’Histoire, sans affronter l’ennemi en mer, mais en l’attirant dans les canaux du Nil où les Égyptiens manoeuvreront beaucoup mieux que leurs adversaires. Ramsès III sauve l’Égypte en repoussant à la fois les tribus libyennes et les Peuples de la mer, formant pourtant une vague gigantesque.
Il a dû également affronter des traîtres, des félons. Racontez-nous…
Le mode de gouvernement de Ramsès III, sa volonté indéfectible de protéger son pays, son caractère incorruptible et sa vision de l’avenir ne plaisent pas à l’ensemble des membres de sa cour. Des ambitions naissent en sourdine et, vu son âge, on commence à comploter pour sa succession.
Au danger provenant de l’extérieur, s’ajoute un danger provenant de l’intérieur. Des proches du roi fomentent, au fil des années, un complot qui ne cesse de prendre de l’épaisseur. Tant que la puissance du monarque demeure intacte, des tentatives de trahison échouent. Les victoires sur les envahisseurs acquises, la paix revenue, le temps de frapper semble venu.
On retient que ce fut un pharaon très imprégné des rites et de la magie. Il fut aussi un grand bâtisseur. En quoi cela consistait-il et que reste-t-il de son règne ?
Du point de vue égyptien, difficilement compréhensible pour nous, la magie est non seulement une science, mais aussi une science d’État, pratiquée au plus haut niveau du pouvoir. Elle consiste à dévier les mauvais coups du destin et à neutraliser les forces négatives. Héritier de l’enseignement de ses prédécesseurs, Ramsès III ne manque pas d’utiliser sa science magique pour lutter contre les envahisseurs. Et par la pratique des rites, il maintient le contact avec les dieux, les puissances créatrices qui inspirent sa pensée et son action.
L’héritage spirituel et artistique de Ramsès III est considérable : statues, stèles, papyrus, une des plus belles tombes de la Vallée des Rois, et son immense « temple des millions d’années » sur la rive ouest de Thèbes, Médinet-Habou, « Celui qui s’unit à l’éternité ». Presque entièrement conservé, récemment restauré, il offre pylônes, grandes cours, salles couvertes et reliefs peints aussi impressionnants qu’instructifs.
Les femmes, sous son règne, étaient très respectées. De nombreuses lois les protégeaient. D’ailleurs vous ne parlez jamais de harem du Pharaon, vous lui préférez le terme de « cour ». Quelle place les femmes occupaient-elles dans la société tout entière ?
Ramsès III pouvait se vanter d’un fait majeur : sous son règne, une femme se promenait sur un chemin en toute liberté et en toute sécurité. Depuis les premières dynasties, les Égyptiennes épousaient l’homme de leur choix, utilisaient des méthodes contraceptives, léguaient leurs biens à qui elles voulaient, étaient protégées en cas de divorce et accédaient aux fonctions les plus diverses, jusqu’au pouvoir suprême.
Le harem, institution arabo-musulmane, n’a jamais existé en Égypte ancienne, et ce terme est totalement inadéquat pour désigner une haute
école, dans laquelle les femmes apprenaient les hiéroglyphes, la musique, la danse, le tissage, la gestion des domaines, etc. N’oublions pas que le terme « Pharaon » désigne un couple, formé du roi et de la Grand Épouse royale, qui dispose d’une Maison de la Reine et a une activité diplomatique de premier plan.
Quelles sources avez-vous utilisées pour écrire ce roman ? Chercheurs et historiens en savent-ils plus aujourd’hui sur Ramsès III ?
Concernant le règne de Ramsès III, la documentation est abondante. Pour les rituels, sa tombe de la Vallée des Rois et son temple de Médinet-Habou, où sont relatés des événements majeurs du règne, ainsi qu’à Karnak. Citons aussi le plus long papyrus connu (42 mètres), le papyrus Harris, le papyrus judiciaire de Turin qui nous informe sur la conspiration, et plusieurs autres sources, soit des documents écrits,
soit des statues et des stèles. Il est donc possible de suivre, presque pas à pas, le règne du dernier des géants.
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la presse en parle
« Le roi de l’Egypte ancienne. »
Sandrine Bajos, Le Parisien
« Passionnant, instructif et plein d’humour, un nouveau roman qui remet sur le devant de la scène un pharaon longtemps resté dans l’ombre de son illustre grand-père mais qui fut certainement le dernier grand souverain du Nouvel Empire. »
Florence Dalmas, Le Dauphiné Libéré
« Osons la comparaison. L’œuvre de Christian Jacq est un peu, au regard de la littérature française, ce qu’est la civilisation égyptienne à l’échelle de l’humanité : foisonnante, inventive et d’une exceptionnelle longévité. »
Florence Piatrd, Ouest France
« Passionnant de bout en bout.»
Pauline Kerren, Le Journal de France