J’ai d’abord écrit quelques lettres fictives. C’était ma manière de raconter. De me raconter, peut-être, parce que j’ai toujours eu beaucoup de mal à parler de moi.
Bien sûr que j’ai des doutes sur l’existence de Dieu ! Et beaucoup de chrétiens sont comme moi, j’en suis sûr ! Mais ils ne le disent pas parce qu’ils ne sont pas assez libres. C’est propre aux chrétiens, ça. Un pratiquant, à plus forte raison un prêtre, c’est quelqu’un qui croit forcément ! Et s’il dit non, il y a quelque chose qui s’écroule…
On sera également étonné de vous voir comparer l’Église et la justice, en tant qu’institutions…
C’est vrai, j’ai pensé à cela en prison : pourquoi une institution serait-elle propriétaire de la justice ? Elle est à tout le monde, la justice ! C’est une idée, la justice, une valeur. Ce n’est pas une institution. Alors, je me suis dit : « Est-ce que l’Eglise ne s’est pas faite propriétaire de la foi ? » Bien sûr que si… Or, la foi, comme la justice, appartient à tout le monde ! »
Vous lancez un appel aux enfants Delay-Badaoui…
Oui, je dis qu’ils ont menti et qu’il ne faut pas qu’ils restent avec ces mensonges. C’est trop important pour eux. Ce serait dramatique. Ce sont des enfants intelligents, vous savez.
Vous savez qu’on affirme parfois que des coupables ont été acquittés dans cette affaire ?
Oui, j’ai déjà entendu ça. Je l’ai compris, par exemple, dans le discours de greffiers qui participaient à un débat où j’étais aussi. Ça m’a fait mal… Je me suis dit : « Les salauds… » Vous savez ce que je pense ? Ils sont restés sur le verdict de Saint-Omer. Pour eux, ceux qui étaient proches, à la Tour du Renard, étaient forcément coupables…
A qui en voulez-vous le plus ?
Je n’en veux pas précisément à untel ou untel. J’en veux à un ensemble. C’est un système dans le quel on ne peut pas se débattre, pas se faire entendre. Même les avocats, vous savez… Ils sont bien peu à vouloir vraiment une réforme. Tant que rien ne change, ils peuvent toujours dire : « Vous voyez bien, j’ai tout essayé, ce n’est pas de ma faute ! »
Je vais vous surprendre : la première responsable, c’est Ségolène Royal, avec sa circulaire qui obligeait les travailleurs sociaux à faire un signalement au procureur dès qu’ils entendaient parler d’une agression sexuelle. Alors, ils ont signalé à tout va ! L’un d’eux m’a dit qu’il avait signalé pour ne pas qu’on puisse lui reprocher de ne pas l’avoir fait, au cas où… « C’était vous ou moi… », m’a-t-il dit… C’est pour ça que je n’arrive pas à en vouloir plus à Burgaud, à Beauvais… C’est un ensemble de causes, un système…
De quoi avez-vous le plus souffert ?
Du motif de l’accusation… Être accusé par des enfants… C’est pas les conditions, ça non… J’étais décidé à tenir dix ans, s’il le fallait… Mais avoir sur les épaules des accusations d’enfants… Le regard des gens ? Pff… Non… Alors ça… non.
Vous êtes-vous retenu ? Vous a-t-on conseillé de ne pas aller trop loin ?
Non. C’est vrai que certains proches m’ont dit que j’ai été trop gentil. C’est peut-être vrai, mais on ne peut pas mettre les gens en cause comme cela, c’est trop facile. Tant pis si on dit que je suis naïf, pas assez méchant… Je n’arrive pas, au bout du compte, à penser que les gens sont méchants…
Avec qui auriez-vous pu être plus dur ?
Avec Burgaud… Avec certains surveillants de prison… Avec les experts ! Ah oui, alors, avec les experts ! On vous a reproché votre comportement, devant les juges. Une absence de conformisme…
Un procès, une audition devant la police ou les juges, c’est du théâtre, vous savez ! Et chacun y joue son rôle. Un rôle convenu. Et celui qu’on m’attribuait ne me convenait pas ! Et tant pis ! Je connais un gars, en prison, qui est en train de faire dix ans. Le juge d’application des peines lui a dit que s’il avouait, il aurait une remise de peine. Mais il répète sans cesse qu’il est innocent ! Et il continuera ! Il fera ses dix ans, vous verrez. Mais il a raison !
Y a-t-il des jours dans l’année où vous arrivez à ne pas penser à cette histoire ?
Oui. Maintenant, oui… Mais il suffit de rien pour que ça revienne. Que je regarde le ciel, par exemple. Parce que, quand j’étais en prison à Longuenesse, je regardais le ciel et je me disais que Bernadette, ma sœur, qui habite Lumbres, voyait au même moment passer le même nuage. C’était ma façon de rester avec eux…
Au bout du compte, on ne vous sent pas traumatisé…
Quelque part, je suis content, maintenant, d’avoir vécu tout ça. C’était vachement enrichissant, vous savez… On y laisse des plumes, mais on apprend plein de choses…
Interview parue dans La Voix du Nord, 23 septembre 2006