Interview de l’auteur
Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser à l’enfance de Louis XIV ?
De nombreux ouvrages – essais, romans – ont décrypté chaque moment de la vie du roi-machine, du Soleil de Versailles, du monarque collectionneur de maîtresses… Soixante-douze ans de règne, la grandeur de la France portée à son apogée, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, mais à quel prix, un cérémonial que certains qualifieront de délirant… Le tout avec une constance, une radicalité qui interrogent. Louis XIV n’est pas tombé du ciel, il ne s’est pas fait en un jour, en 1661, lorsqu’il a pris définitivement les rênes du pouvoir, après la mort de Mazarin. D’où venait-il ? Quelles épreuves avait-il endurées ? Ses premières années, souvent expédiées par les biographies, sont restées dans l’ombre, alors que l’enfant, on le sait, « est le père de l’adulte ». On ne peut comprendre le Louis XIV distant, écrasant, enivré de lui-même, que si l’on se plonge dans l’apprentissage rugueux et rocambolesque de la solitude et du pouvoir que fut son enfance. Voilà aussi sans aucun doute l’enfance – et l’adolescence, puisque nous le suivons jusqu’à l’âge de quinze ans – la plus épique, la plus douloureuse et la plus passionnante de tous nos hommes d’État.
C’est une éducation complexe que celle d’un enfant roi. Racontez-nous…
Surtout celle de Louis XIV qu’on peut résumer à une série d’humiliations, subies dans la sphère privée comme dans la sphère publique et politique. On a prétendu, à la suite de Saint-Simon, toujours méchant, qu’il avait été livré à lui-même, qu’on ne lui avait rien appris. Rien de plus faux. Il fut écrasé de professeurs. À ces contraintes, se rajoute l’incroyable fragilité de son pouvoir, malmené par le Parlement, puis les princes, dont son propre cousin germain, le grand Condé, puis par des hommes d’Église, comme le cardinal de Retz, enfin par la bourgeoisie et le peuple de Paris. Ce n’est pas dans un panier de crabes qu’il fait ses premiers pas, mais une mer de requins. Tous les puissants gravitent autour de lui, en adoptant un comportement paradoxal : on ne le respecte pas puisqu’il n’est qu’un enfant, mais il faut le respecter a minima parce qu’il est le roi. Souverain à cinq ans, il se retrouve projeté dans l’une des périodes les plus tourmentées de l’Histoire de France, la Fronde, où il lui faut incarner la royauté, utilisé comme dernier recours par Mazarin et sa propre mère, parce que l’enfant qu’il est peut encore susciter l’amour du peuple. Cette faiblesse d’enfant dont il prend peu à peu conscience, qui le fait enrager, est aussi sa seule force.
Quelles sont, selon vous, les scènes les plus marquantes de cette enfance ?
J’ai cherché à ce que chaque chapitre, qui raconte l’une de ces scènes, soit comme un jalon sur un long chemin le menant jusqu’à la prise en main de son destin. La mort de son père, Louis XIII, à laquelle il assiste à cinq ans. Le premier lit de justice qu’il tient dans la foulée, devant tous les pairs du royaume. Le jour où il manque se noyer dans un bassin des Tuileries, à l’âge de sept ans. Les émeutes populaires qui viennent le menacer sous ses fenêtres du Palais-Royal. Les armées qu’il passe en revue sur le front alors qu’il n’a que neuf ans. Les prières partagées avec sa mère qui vient de décider, avec Mazarin, l’emprisonnement du Grand Condé. La première fuite nocturne, hors de Paris, qu’il quitte comme un voleur, pour échapper aux frondeurs. La comédie du sommeil qu’il joue, sur l’ordre de sa mère, devant un peuple qui envahit sa chambre, car on a demandé à le voir dormir afin de s’assurer qu’il se trouve bien toujours dans la capitale. Le dîner où Mazarin l’emmène chez quelques grands du royaume pour l’initier à leur mauvais esprit. Le siège de Paris qu’il conduit pour mettre hors d’état de nuire le Grand Condé. L’arrestation qu’il décide lui-même du cardinal de Retz et la conversation très hypocrite qu’il mène avec lui. Et enfin, peut-être, sa première visite à Versailles…
Comment définiriez-vous la personnalité de Louis XIV ? Et peut-on déjà déceler chez le jeune Louis le futur Roi-Soleil ?
Ses rares compagnons de jeu le décrivaient vif et grave à la fois, impérieux déjà. On déplore qu’il ne s’abandonne jamais au rire. Aujourd’hui, on dirait que c’est un enfant sur qui l’on met trop de pression, qu’on lui a volé son enfance, même si cette notion, à l’époque, se distinguait très largement de la nôtre. Louis est un enfant attachant, un peu perdu, sur lequel pèse la fatalité de sa charge. Elle l’écrase d’abord, il tente de se rebeller, il est le premier frondeur de ce roman, elle le réduit en esclavage, mais dans cet esclavage, il trouve une voie et sa voix, même si celle-ci doit passer par le jeu et l’illusion. En termes psychanalytiques, on désire pour lui, désir qu’il s’approprie peu à peu, par le plaisir, la reconnaissance, l’hommage, qu’il en obtient parfois, seule échappatoire, seule compensation pour une situation intenable.
Comment vous êtes-vous documenté et quelle a été la part de votre imagination de romancier dans l’évocation de cet incroyable destin ?
J’ai parcouru quelques documents de première main comme les mémoires des valets de chambre, de la confidente d’Anne d’Autriche ou du cardinal de Retz. J’ai retrouvé aussi des ouvrages sur l’éducation qu’il avait reçue. Enfin, j’ai épluché les biographies des différents personnages du premier cercle, Louis XIII, Mazarin, Anne d’Autriche, le Grand Condé, la Grande Mademoiselle, Gaston, son oncle, ainsi que des récits sur la Fronde, période embrouillée que j’ai voulu clarifier pour ne retenir que ce qui pouvait servir le récit. Sans trop m’écarter de la réalité historique, j’ai cherché à retenir des épisodes où la tension serait au maximum et où Louis, à chaque fois, serait pris dans l’essoreuse de la petite ou de la grande Histoire. Celle-ci est pour le romancier un tremplin et une planche de salut, un rivage vers lequel il revient prendre des forces après avoir nagé dans des eaux libres. Chaque épisode historique, s’il est bien choisi, est un canevas sur lequel on peut avoir la joie de broder. C’est dans l’orchestration de ces épisodes que la liberté, la fantaisie, du romancier peuvent se déployer pour se rapprocher au plus près de l’être humain.
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la presse en parle
“Dans un roman vrai aussi éblouissant que son sujet, François-Guillaume Lorrain retrace les jeunes années du futur Roi-Soleil.[…] Pour le plus grand plaisir du lecteur, séduit par le talent de conteur de ce digne héritier d’Alain Decaux…”
Emmanuel Hecht, Le Figaro Magazine
“François-Guillaume Lorrain déroule l’histoire de cette jeunesse turbulente comme un feuilleton. Il s’y distingue par le sens des dialogues, la justesse des scènes dignes d’une dramatique de Claude Santelli et ce sens du détail qui fait mouche. […] Comme un grand ballet, finement orchestré, sur l’éducation d’un roi.”
Laurent Lemire, L’Obs
“Ce récit captivant, qui raconte les treize premières années du Roi-Soleil, fera pâlir d’envie tous les historiens.[…]Un voyage passionnant, truffé d’anecdotes.”
Michel Primault, Femme actuelle
“Dans un magnifique roman historique, ample et écrit avec un sens prodigieux du détail […] [François-Guillaume Lorrain] excelle ici et rend Louis XIV fascinant et humain, très humain, inoubliable de douleur et d’énergie mêlées. Un grand roman populaire et érudit, à rapprocher de “La chambre”, le terrible texte de Françoise Chandernagor sur l’enfance de Louis XVII, le fils de Marie-Antoinette.”
Jean-Rémi Barland, La Provence
“C’est sur les pas de ce petit garçon promis à un destin hors du commun, que nous entraîne François-Guillaume Lorrain, dans cette passionnante biographie”
Florence Dalmas, Le Dauphiné Libéré