Ce choix s’est imposé parce que Louis XIV est l’une des personnalités les plus fortes de l’Histoire de France.
Ce qui m’intéresse dans les personnages que j’étudie, c’est quand ils ont joué le rôle de marqueur dans notre Histoire. Or, il suffit de regarder autour de soi en France pour savoir que la marque, la trace de Louis XIV est présente : dans les citadelles de Vauban, à Belle-Île ou à Belfort par exemple ; à Versailles, bien entendu, avec ce château que l’on vient de rénover et qui est un des lieux les plus visités du monde, une merveille… C’est notre Grand Siècle – Molière, Racine, les bâtiments, les jardins, la peinture – une part du visage de la France se dessine sous Louis XIV.
Mais cette trace est également importante dans les idées qui animent toujours la politique française. On entend encore par exemple parler de « colbertisme » en référence au ministre de Louis XIV.
Quels sont les aspects de la personnalité de Louis XIV qui vous ont le plus frappé ?
La richesse de sa personnalité est fascinante. C’est un homme empreint de sa fonction dès son plus jeune âge, un grand séducteur et un redoutable politique.
Dès son enfance, dès l’âge de cinq ans, il a eu cette manière d’être roi, d’être toujours en représentation, d’assumer avec constance les fonctions de souverain – participer à tous les conseils des ministres, chaque jour… C’était un homme qui fixait et se pliait à une étiquette extrêmement lourde. Il a vécu perpétuellement sous le regard des autres et ça, c’est passionnant.
Il a été aussi un grand séducteur. Sa beauté et sa prestance physique séduisaient les femmes, bien sûr, mais en imposaient aussi aux hommes. Grâce à un sens politique aigu il a su, très jeune, imposer son pouvoir.
Et cet homme qui incarnait la puissance était d’une fidélité touchante envers ceux et celles qu’il avait aimés. On pense à la nièce de Mazarin, Marie Mancini, mais aussi à Louise de la Vallière ou à Mme de Montespan. On pense également à ses bâtards, qu’ils a reconnus et à qui il a donné un rang.
Car il n’est pas qu’un séducteur dont les femmes les plus titrées ou les servantes pensent qu’il est « le plus bel homme du royaume et de tous les autres » et qui, quand elles le voient danser, acteur principal des ballets qu’il demande à Lully de composer, jugent qu’il a les « plus belles jambes ». Il aime. A vingt ans, il s’enflamme pour Marie Mancini et envisage même de renoncer pour elle au mariage « politique » avec Marie-Thérèse, infante d’Espagne, que Mazarin a préparé. Marie Mancini dira, comme un personnage de Racine : « Vous pleurez et vous êtes le maître. Vous être roi et je pars. » Car la raison du roi l’emporte sur le cœur du jeune homme.
Son courage physique, enfin, était impressionnant. Il a vécu très longtemps pour son époque – de 1638 à 1715, soixante dix-sept ans – mais, à partir de la quarantaine, la maladie ne l’a pas lâché, accompagnée de son cortège de douleurs. Il y a toujours fait face avec stoïcisme…
Et son règne ?
En ce qui concerne les aspects de son règne, il est frappant de voir comment ce roi a influencé l’Europe par sa manière de gouverner, de bâtir son décor, de donner sa marque à tout un siècle – Le Siècle de Louis XIV comme l’a écrit Voltaire. C’est, d’une certaine façon, celui qui a construit l’État centralisé tel que nous le connaissons encore. Louis XIV a dit au moment de sa mort à ses courtisans qui assistaient à son agonie : « Messieurs, je m’en vais mais je vous laisse l’État… »
Sa manière violente de gérer l’État elle aussi est frappante. Qu’on pense à la révocation de l’Édit de Nantes – à l’intolérance, donc –, qu’on pense au Code noir, c’est-à-dire à la codification de l’esclavage, qu’on pense aux guerres, aux dévastations du Palatinat… On doit bien évidemment prendre en compte cette manière très violente de mener la politique.
D’un part l’État se constitue, l’État monarchique qui tend à l’absolutisme, et d’autre part c’est le moment où brille le roi-soleil, celui qui incarne précisément la puissance de l’État. « J’ai trop aimé la guerre et les bâtiments », aurait dit Louis XIV, et ce qui apparaît comme une apogée d’une certaine manière prépare aussi des lendemains difficiles à la monarchie : entre la mort de Louis XIV, en 1715, et 1789, il ne s’est passé que soixante-quatorze ans.
Comment avez-vous abordé cette biographie ? Tout en restant fidèle aux faits, à la manière des historiens, utilisez-vous votre imagination de romancier pour donner corps à votre sujet ?
Mon projet est de rendre vivante une personnalité.
Tout en étant respectueux des apports de la recherche historique, je fais en sorte, par l’écriture, par la composition du récit, que le lecteur, peu à peu, pénètre tous les aspects de cette personnalité. Qu’il acquière ainsi à son sujet une connaissance presque charnelle ainsi que l’intelligence d’une période historique.
J’essaie de faire une histoire totale, grâce à des biographies qui veulent exprimer l’état de la connaissance historique et en même temps être une mise en scène, une reconstitution historique et psychologique d’un personnage.