Après Les Mardis avec Morrie, qui était un document, plusieurs éditeurs américains m’ont demandé d’écrire une sorte de suite, Les Mercredis avec Morrie. Je n’ai pas voulu parce que j’avais déjà raconté tout ce que j’avais à raconter sur mon vieux professeur et les moments passés avec lui. J’ai alors senti que c’était le moment rêvé pour laisser tomber toute sorte de « non-fiction » afin d’éviter toute comparaison entre ce livre et ceux que j’allais écrire.
Pour moi, il n’y a pas un fossé si grand que ça entre la fiction et les documents. Dans tous mes écrits, qu’il s’agisse d’articles, de documents ou de romans, mon job c’est de raconter des histoires. Si je n’ai qu’un don, c’est celui là : raconter des histoires.
Comment avez-vous concilié le fait d’être écrivain avec le fait d’être journaliste sportif ?
Mon job, en tant que journaliste sportif, ce n’est pas de rapporter fidèlement un score ou un match, mais plutôt de faire part en une colonne de mes observations personnelles sur le match. Là encore, j’ai toujours pour but de raconter une histoire : celle d’un athlète d’un certain âge qui essaie de raccrocher, ou bien celle d’un jeune athlète qui monte. Pour moi, quand on écrit bien, on écrit bien, que ce soit à la page des sports ou dans un roman.
Est-ce que le protagoniste, Eddie, est inspiré de quelqu’un que vous avez connu ?
Il est inspiré d’un des mes oncles préférés, qui s’appelait aussi Eddie et qui ressemblait beaucoup, physiquement, dans sa façon de parler et d’agir, au Eddie du roman. Mon oncle, tout comme le personnage du roman, était un ancien combattant de la Seconde Guerre Mondiale, un type vraiment bien, mais qui a toujours considéré qu’il n’avait pas fait grand chose de sa vie. Il a toujours trouvé qu’il comptait peu. Ça m’a brisé le cœur qu’il soit mort en pensant qu’il n’était pas quelqu’un d’important.
Ça m’a inspiré l’histoire d’un homme qui croit que sa vie n’a aucune importance dans ce bas monde, mais qui comprend, une fois arrivé au paradis, qu’elle en a eu beaucoup.
Cela vous plaît-il de parler des sentiments humains ? le principal sujet du livre n’est-il pas malgré tout la vie sur terre ?
Oui, bien sûr. Les émotions humaines sont le nerf de mon écriture. Mais je pense aussi que les gens ont besoin d’une histoire qui capte leur attention. Beaucoup de romans contemporains montrent des gens assis devant leur fenêtre qui attendent je ne sais quoi ou pensent à leur passé – et qui décollent difficilement de l’appui de fenêtre pendant tout le livre. Ça, pour moi, ce n’est pas une histoire. C’est regarder son nombril. Je préfère quand il se passe quelque chose ; tout ce que les personnages traversent au cours de l’histoire est le miroir des émotions humaines.
Vous commencez votre roman par une très belle idée : chaque personne doit se rendre compte qu’il peut influencer la vie des autres au cours de sa vie sur terre. Avez-vous rencontré des lecteurs convaincus par cette idée après avoir lu votre livre ?
Oui, un bon nombre de lecteurs à ma grande surprise. Les gens m’ont dit que le livre leur a apporté du réconfort dans leur vie, qu’ils l’ont même donné à des personnes qu’ils trouvaient mal dans leur peau, et que ces personnes ont retiré de ce livre une certaine confiance et des idées positives. Si c’est le cas, je suis très heureux. Parce que je ne crois pas qu’il existe des gens sans importance, même si notre culture, ici aux Etats-Unis, tend à célébrer uniquement les gens beaux, riches et célèbres ; il est important maintenant plus que jamais de faire comprendre aux gens que chaque personne a la même importance.
Quelles sont vos inspirations littéraires ? quels auteurs admirez vous ?
J’ai tendance à lire quatre à cinq livres en même temps, que j’éparpille un peu partout dans la maison. Un sur mon bureau. Un sur ma table de nuit, etc. J’apprécie tout style d’écriture –particulièrement la fiction- et j’aime bien mélanger. Donc, on peut me trouver en train de lire, à n’importe quel moment de la journée un livre de Alice McDermott, un livre de Ian McEwan, un livre de Dave Barry (un écrivain satirique américain), ou un livre de John Grisham.
Avez-vous une idée de ce que sera votre prochain roman ?
Oui. Mais je suis superstitieux. Donc je ne vais rien vous dire de plus. Sauf que ça ne s’appellera pas Les Mercredis avec Morrie.
Comment Mitch Albom en est-il venu à imaginer le paradis sous cette forme, et la vie après la vie ?
L’idée vient d’une histoire que mon vieil oncle m’a racontée : il était à l’hôpital, pour une opération, et il se souvient qu’il s’est soulevé de son propre corps et qu’il s’est mis à flotter au-dessus de la table. Et il a vu tous ses proches décédés qui l’attendaient au pied de son lit. Il a bien sûr survécu, mais à chaque fois qu’il me racontait cette histoire quand j’étais enfant, je m’imaginais que lorsqu’il mourrait pour de vrai, il y aurait tout ces gens qui l’attendraient aussi. Et peut-être qu’il en est de même pour nous tous.
De là est venue l’idée que peut-être ce ne serait pas seulement des proches, mais aussi des gens qu’on aurait rencontrés sur terre. J’ai combiné cela avec ma propre idée : si le paradis est vraiment un lieu de rédemption, alors on y obtiendra toutes les réponses aux questions qu’on s’est posées sur terre – quel sens a notre vie ? Pourquoi certaines choses horribles arrivent-elles ? Qui a-t-on touché ? J’ai combiné toutes ces idées, et c’est de là qu’est né le livre.