« Mon frère et ma sœur étant jumeaux et de quatre ans plus âgés que moi, je fus souvent seule et sans compagnon de jeu. Dès toute petite, je me passionnais pour la lecture. Avec un livre, je pouvais m’occuper pendant des heures. À l’âge de sept ans, je commençai à écrire de petites histoires. J’avais une manie qui, à juste titre, énervait mes parents : je déchirais les passages préférés de mes livres. Heureusement, avec le temps, j’appris à respecter les ouvrages, dont je ne pouvais plus me passer.
C’est chez mes grands-parents, au bord de la mer, que Petit Aigle est né. Mes parents discutaient de choses « de grand » et mes aînés jouaient ensemble. J’ai pris un papier et un crayon, et j’ai écrit. Un enfant adopté, indien, qui part à la recherche de sa vraie mère. Ce fut la base, les racines du périple de Petit Aigle. J’écrivis son histoire pendant quatre ans, y passant parfois tout mon temps libre quand l’inspiration était à son comble. D’autres fois, Petit Aigle restait de longs mois rangé dans un tiroir sans voir la lumière du jour.
C’est seulement lorsque ma voisine, une amie québécoise de mes parents qui adore les enfants, me promit de trouver un éditeur si je terminais mon histoire que je m’y suis vraiment mise. Ce ne fut pas à travers elle que je trouvai par la suite mon éditeur, mais ce fut une excellente source de motivation !
Dans le même temps, ayant parlé de mon histoire à ma professeur, au primaire, je pris l’habitude de lire chaque semaine un bout des aventures de Petit Aigle à mes camarades de classe.
C’est à neuf ans, quand je lus Le Clan des Otori de Lian Hearn, que je remis mon écriture en question. Ce livre me marqua beaucoup, et j’étais fascinée par le style magique de l’auteur. Je compris que donner des détails aidait à mieux s’imaginer l’ambiance et les lieux, les personnages, et je décidai alors de recommencer toute mon histoire en ajoutant beaucoup de précisions. De plus, il s’était écoulé plusieurs années depuis les premiers pas de Petit Aigle, et, ayant mûri pendant cette période, le début de l’histoire faisait complètement décalé par rapport au reste. Ce premier jet devint donc uniquement la trame du deuxième.
L’écriture est un moyen d’expression unique, et je ne me lassais jamais. Comme les feuilles s’accumulaient sur mon bureau, mes parents prirent la décision de les taper à l’ordinateur. Mais au bout de quelques mois, ils se rendirent compte qu’ils ne pourraient jamais y arriver ; ils n’étaient pas sténodactylos, et ne pouvaient taper au mieux que six feuilles à l’heure, alors que le tas grandissait sans cesse ! Heureusement mes grands-parents offrirent un ordinateur portable à leurs petits enfants et je me mis à taper directement au clavier. C’était bien plus rapide, et ce fut un soulagement pour tout le monde, sauf pour mon frère et ma sœur qui eurent du mal à avoir accès à l’ordinateur…
A travers Petit Aigle, c’était aussi une partie de moi-même que je posais sur le papier. Une des choses essentielles pour moi est que chaque être humain possède en lui une flamme intérieure, comme un soleil. C’est cela qui m’a toujours aidée et poussée de l’avant, et je l’ai retranscrit dans mon histoire ; Petit Aigle n’aurait jamais su faire les bons choix sans son cœur, sans cette présence que tout le monde a en lui, mais qui reste parfois ignorée. J’étais donc motivée pour le publier car je pouvais ainsi partager avec d’autres ce que j’étais incapable d’exprimer oralement.
Le soir où je suis arrivée au bout de l’histoire de Petit Aigle, il était vingt-trois heures. J’avais écrit toute la soirée, et je m’étais enroulée dans des couvertures, je tremblais, j’avais froid quand j’ai tapé les derniers mots sur le clavier. Jusque-là, je portais Petit Aigle toujours en moi, dans un coin de ma tête et de mon cœur. Quand je jouais, quand je lisais, quand je dormais, il était toujours présent. Je me servais de tout ce qui m’entourait, de ce que je voyais et de ce que j’entendais pour construire son histoire. Par exemple, le personnage de Vaïna, cette enfant blonde aux grands yeux turquoise, c’est de ma jeune cousine, Raphaëlle, que je m’inspirai pour construire ce personnage. Quand Petit Aigle se sépare d’elle, je fus aussi triste que lui. J’avais réellement l’impression de la quitter… Les leçons que la vie donna à Petit Aigle, ce fut moi qui les vécus avant lui.
Ma mère et deux amies corrigèrent le manuscrit. Ce fut principalement pour l’orthographe mais aussi des « mal dits », ou des incohérences que je devais revoir. A chaque fois, elles corrigeaient sur le papier et c’était ensuite à moi de tout réintégrer sur l’ordinateur, aidée de mon père. Sans lui, je ne m’en serais pas sortie pour retrouver la dernière version… Ainsi, chaque renvoi me permettait d’aller encore plus loin dans le récit, d’approfondir des éléments qui me paraissaient évidents mais ne l’étaient pas forcément pour les lecteurs… car une des choses essentielles que l’écriture m’apprit fut que je n’écris pas pour moi, mais pour être lue.
Certains jours, je me réveille très tôt avec des idées plein la tête, et aussitôt mon petit déjeuner avalé, je m’installe devant le clavier de l’ordinateur. Il m’est arrivé de passer des journées entières devant mon écran ! D’autres fois, je profite de la nature. J’ai la chance de vivre au milieu des arbres et du chant des oiseaux, et je ne peux imaginer ma vie autrement. Je n’aime pas la ville, les voitures, les coups de klaxon, la pollution… Donc, je sors, mon arc sur l’épaule. J’installe la cible, et c’est parti ! J’adore tirer à l’arc. J’ai toujours été passionnée par les Indiens d’Amérique. Vivre dans un tipi, chasser pour se nourrir, et passer ses soirées autour d’un feu de camp… ce serait mon rêve ! Quand mes doigts sont si rouges que je ne peux plus tirer, j’arrête et je rentre. Alors, en général, je m’installe à mon piano. Je fais de la musique depuis mes huit ans. J’adore jouer de cet instrument, mais que d’efforts cela demande ! Il faut travailler au moins une demi-heure chaque jour. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai voulu arrêter tant j’en avais marre… Quand mon père veut bien me laisser la place, j’aime aussi cuisiner. Comme c’est magique de mélanger le chocolat, la farine, les œufs, le sucre, les noix… et d’en sortir un délicieux brownie ! Quand je n’ai plus aucune excuse, il m’arrive aussi parfois (je dirais même très rarement), de ranger ma chambre. Celle de mon frère est toujours impeccable, et je me suis toujours demandé comment il faisait. Mes étagères, mon plancher et mon lit sont toujours encombrés de mille choses… seul mon bureau est à peu près correct, car sinon, comment travailler ?!
Mes parents ont une ferme labellisée Accueil Paysan ; nous avons plusieurs chambres dans lesquelles nous accueillons des hôtes avec qui nous mangeons. Donc, le soir, j’aide au service, à la vaisselle et à toutes les tâches que requiert ce métier d’accueillant… C’est très enrichissant de rencontrer des gens toujours différents, venant de partout, et qui, chacun à leur manière, nous apportent beaucoup.
Une fois tous les deux mois, il nous arrive aussi de regarder la télé. Ça nous prend, parfois, l’envie de voir un film ou les informations. Dans ces rares soirées très conviviales, toute la famille est présente. Contrairement à mes amies, appuyer sur le bouton de la télévision est vraiment un geste inhabituel.
Et avant d’éteindre la lumière, chaque soir, je lis jusqu’à ne plus pouvoir résister au sommeil. Les livres sont des échappatoires dans d’autres mondes, et je ne peux plus me passer d’eux. J’aime toutes les sortes de romans, fantastiques, d’aventures, réels… mais je déteste la science-fiction, le « glamour » et les livres d’horreur. J’adore m’identifier aux héros, me glisser dans la peau d’autres personnages et changer d’identité pour quelques instants magiques. J’aime quand les mots réussissent à faire couler les larmes, à faire frissonner ou à faire rire…
Grâce à ces passions pour l’écriture et la lecture, je ne me suis jamais ennuyée.
Quand je me mettais devant ma feuille blanche, je savais rarement à l’avance ce que j’allais écrire. Mais j’écrivais un mot, puis un autre, et je me surprenais moi-même par ce qui jaillissait du plus profond de mon être : les aventures de ce petit bonhomme qui représente tant pour moi.
J’ai eu la chance d’avoir toujours été très accompagnée et encouragée. Ce ne fut pas toujours évident et mes parents m’aidèrent à bien m’organiser, ce qui n’a jamais été mon point fort. Je remercie aussi mon frère et ma sœur, car si je ne m’étais jamais retrouvée seule, Petit Aigle ne serait sûrement jamais né. C’est une merveilleuse aventure que j’ai la chance de vivre, et je suis vraiment remplie de gratitude envers la vie qui m’a offert cette chance inouïe. »
Lucie Leprêtre