Diriez-vous alors que c’est un roman de la résilience ?
C’est le maître mot de ce roman. Quand on me demande de quoi parle mon dernier livre, je réponds inlassablement qu’il s’agit d’une histoire d’amour. Et j’ajoute toujours : « Une histoire d’amour et de résilience ! » Peut-on parvenir à aimer quelqu’un quand la vie nous a brisés ? L’amour peut-il nous sauver quand on n’a plus rien à quoi se raccrocher ?
Le Jour où est une histoire dans laquelle la lumière finit par avoir sa place, malgré un contexte très sombre et des personnages particulièrement éprouvés. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont un héros – ou un antihéros – réagit face à ce que la vie lui impose… Le thème de la rédemption est quelque chose que j’avais envie d’explorer depuis longtemps.
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour écrire cette histoire ?
Elle n’est pas inspirée d’un fait divers ou de quelque chose dont j’aurais entendu parler dans les médias. Pour ce roman, j’ai été au fond de mes pires angoisses. J’ai plongé à l’intérieur de moi-même et j’ai transformé mes propres failles en une histoire de pure fiction. J’ai extrait mes émotions en les détachant complètement du réel d’où elles tiraient leurs origines. Il est possible que j’aie choisi d’écrire la lumière simplement parce que, à ce moment de ma vie, c’est ce dont j’avais le plus besoin.
Comment parvenez-vous à nous faire ressentir avec autant de force les tourments de ces deux personnages ?
Quand une histoire naît dans mon esprit, je cherche aussitôt la meilleure façon de la raconter pour captiver et toucher les lecteurs. Comment faire en sorte que ces derniers soient en empathie totale avec les personnages, qu’ils aient le sentiment de vivre à leurs côtés, de ressentir leurs émotions ? La structure narrative s’impose souvent d’elle-même : un roman choral, une histoire racontée à rebours, un roman scindé en deux parties narrées par des protagonistes différents, etc. Dans Le Jour où, il s’agit d’une intrigue où on suit au présent Benjamin et Rebecca, tout en étant happé et plongé à plusieurs reprises dans le passé de Rebecca, pour vivre, à ses côtés, ce qui a fait d’elle la femme qu’elle est. Il fallait que le lecteur souffre avec elle pour parvenir à la comprendre et s’attacher à elle… Enfin, je crois !
On retrouve dans votre roman des thématiques qui vous sont chères : la famille, le couple, et cette peur profonde de ne pas vraiment connaître son compagnon…
Toutes mes histoires sont centrées sur la cellule familiale, qu’il s’agisse d’étudier le couple ou les relations parents/enfants. Je crois qu’on écrit pour transcender les failles qu’on porte en nous, pour faire en sorte que ce qui nous affaiblit dans la vraie vie devienne quelque chose de beau entre les pages d’un livre. Quant à la peur profonde de ne pas bien connaître son compagnon, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une peur, mais d’un simple constat. Je suis convaincue qu’on ne connaît jamais vraiment les autres, encore moins les personnes qui partagent notre vie, ceux dont on pense tout savoir. Les secrets sont omniprésents. Personne ne peut affirmer qu’il sait tout d’un autre. Certes, ça peut sembler rassurant de penser tout connaître de son enfant, de son conjoint, de ses parents. Mais ce n’est qu’un leurre. La meilleure preuve, c’est qu’il nous arrive parfois de faire des choses dont on ne se serait jamais cru capable – en bien ou en mal. Alors comment penser pouvoir tout savoir de l’autre quand on ne se connaît jamais totalement soi-même ?
Pourquoi avoir fait intervenir une psychiatre dans cette histoire ?
C’est le tiers « impartial » qui permet à Rebecca de se livrer et de se confier ouvertement, à la fois sur l’épreuve qu’elle a traversée et qui l’a brisée, et sur son quotidien. Tout ce qu’elle n’ose pas avouer à Benjamin, elle peut le dire à cette psychiatre sans se préoccuper d’être jugée ou d’être prise en pitié. Les séances dans le cabinet sont un vrai exutoire pour elle. C’est aussi la psychiatre qui va l’aider à cheminer et à y voir clair dans sa propre vie. Je pense que nous vivons dans un monde où il est beaucoup plus facile de se confier à quelqu’un d’extérieur qu’à un proche en qui on a pourtant toute confiance. Simplement parce qu’on cherche bien souvent à paraître heureux et fort à tout prix ; on ne veut pas inquiéter ceux qui nous aiment ; on ne veut pas les déranger avec nos soucis, nos peurs et nos faiblesses. On veut être « normal », quand bien même on sait pertinemment au fond de nous qu’« être normal » ne signifie pas grand-chose.
Avez-vous des rituels d’écriture ou écrivez-vous un peu tout le temps, un peu partout ?
Je n’ai aucun rituel. Pour démarrer un nouveau chapitre, il me faut juste deux choses : du temps – au moins deux heures sans être dérangée − et du silence. Mais ce que je préfère, c’est le moment précédant l’écriture, quand je réfléchis à la construction de mon intrigue et de mes personnages. Cela arrive le plus souvent quand je sors courir, quand je suis passagère en voiture, quand je prends un bain, ou quand je suis dans un train et que je me laisse bercer par le paysage qui défile…