Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré lire. Toute petite, je ne pouvais pas m’empêcher d’inventer des histoires et dès que j’ai su écrire j’ai canalisé mon imagination en donnant vie à des personnages.
Quand j’ai posé le point final à mon premier roman, je savais que l’histoire ne pourrait pas s’arrêter là. J’avais sept ans quand le personnage de Petit Aigle a pris racine dans mon cœur et depuis il m’accompagne, il a grandi en même temps que moi… Après la parution de L’Envol de Petit Aigle, j’avais besoin de voyager encore dans la province de Gayan et de m’aventurer au-delà, de comprendre la forêt des Esprits, de marcher aux côtés de Loulou… Et surtout de faire de Petit Aigle un homme accompli. C’est vrai que ça a été périlleux, car par-dessus tout, je voulais que ce nouveau livre soit accessible à tous les lecteurs. Ceux qui ont lu L’Envol de Petit Aigle retrouveront un univers qu’ils connaissent déjà, mais les autres pourront tout autant partir à l’aventure !
L’évolution des personnages s’est faite naturellement dans la mesure où il y a un peu de moi et du monde qui m’entoure dans chaque être que je crée. Puisque j’ai changé, ils ont changé aussi.
Votre roman se déroule dans un monde imaginaire où l’on croise un homme très proche de son loup, des shamans, des esprits, des personnages truculents qui évoluent dans l’univers du cirque. Vous avez une grande imagination et l’on vous sent très proche de la nature. Nourrissez-vous votre inspiration de vos lectures ou de l’univers dans lequel vous évoluez ?
Je suis née et j’ai grandi dans un petit village en Creuse, un département très sauvage et préservé, et je me suis construite au contact de la nature. J’y puise mon oxygène, mon énergie. Ce cadre très calme et silencieux m’aide beaucoup à écrire. J’ai passé mes deux années de seconde et de première à Clermont-Ferrand, et j’ai réalisé là-bas qu’il est beaucoup plus dur d’être inspirée dans le brouhaha et l’agitation permanente de la ville. Il est clair que la nature et le calme qui règne chez moi sont des éléments indispensables à mon équilibre, et ils ne pouvaient que se refléter dans mon roman.
Pour parler des loups le plus justement possible, j’ai aussi fait l’année dernière un stage au parc des loups de Chabrières, et cette expérience a été fondamentale. Participer à la vie du parc et pouvoir poser toutes mes questions aux soignants m’a beaucoup appris. Mais surtout, j’ai pu pénétrer dans l’enclos de plusieurs meutes… J’ai notamment approché Usher, un loup blanc canadien, seul dans son enclos depuis la mort de sa compagne, et j’ai eu l’impression de rencontrer Loulou, l’âme-sœur de Petit Aigle. C’était bouleversant, il était vraiment exactement comme je me le représente. Son regard jaune s’est gravé en moi. Aujourd’hui il me suffit de fermer les yeux pour le revoir, et il m’a guidée tout au long de l’écriture du Garçon qui parlait au loup.
Sans rien vouloir dévoiler de l’issue de votre roman, vos personnages se lancent dans une quête où l’idée de destin est très présente. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le Garçon qui parlait au loup, c’est l’histoire d’un Tsuwano, Petit Aigle, et de son inséparable compagnon, un loup blanc. L’histoire débute dans un monde qui sort de la guerre, Petit Aigle vient de perdre sa mère et décide d’aller retrouver Louve, à qui il a choisi de s’unir. C’est la direction qu’il se donne en prenant la route, mais les vents de la vie nous emportent parfois bien plus loin qu’on ne l’aurait cru…
À travers le voyage de Petit Aigle, j’ai voulu mettre en mots des thèmes aussi divers que la solitude, la folie, la souffrance de deux êtres liés de cœur à cœur mais séparés par la vie, le pouvoir de la musique et la force de l’amour… Dans un monde à la déroute je voulais aussi donner une réponse, ma réponse, aux questions qui peuvent hanter les hommes, comme celles du sens de l’existence et de notre rôle ici-bas. Au-delà de l’idée de destin, ce que j’ai voulu décrire par l’histoire de Petit Aigle, de Louve, et de tous les personnages qui gravitent autour d’eux, c’est cette force qui nous meut et nous pousse en avant. Cette énergie qui habite chacun, et fait de nous des êtres humains.
La musique tient également une place importante dans Le Garçon qui parlait au loup. Qu’en est-il pour vous ?
Il y a deux phares dans ma vie : l’écriture et la musique. Le Garçon qui parlait au loup a été l’occasion de réunir les deux ! J’ai commencé le piano à huit ans, et si ce n’était au départ qu’un passe-temps, ça a pris en grandissant de plus en plus d’importance. En passant au lycée j’ai décidé de faire un bac L–musique et je suis entrée au conservatoire de Clermont-Ferrand… J’ai alors commencé à travailler pour de vrai ! Maintenant j’y consacre au moins une heure par jour, et jouer est devenu un véritable besoin. Comme les mots, la musique a pour moi un pouvoir transcendant et sacré.
Depuis un an je suis aussi dans un groupe de slam, Inspir’, avec mon frère et deux amis, et nous commençons à faire des scènes. Le piano, comme l’écriture, est un instrument assez solitaire, alors j’adore jouer à plusieurs. Accompagner des textes, trouver les mélodies qui correspondent le mieux aux mots, est une aventure tout aussi fabuleuse !
Vous avez passé votre bac de français alors que vous terminiez Le Garçon qui parlait au loup. Comment vous organisiez-vous pour mener à bien ces deux lourdes tâches ?
Je l’avais constaté puis oublié avec L’envol de Petit Aigle, mais j’ai redécouvert que publier un livre n’est pas seulement une partie de plaisir… C’est une longue entreprise qui demande beaucoup de patience et de persévérance. Comme ce n’est pas ma nature, ça a été un véritable apprentissage !
J’ai écrit la première partie du roman en 2009 et j’ai terminé l’été suivant. Il m’a été indispensable de m’organiser, car l’écriture puis les réécritures demandent beaucoup de temps et de disponibilité. Pour écrire je dois me plonger complètement dans un autre univers, c’est pourquoi je suis incapable d’écrire en période scolaire… J’ai besoin d’être 100 % disponible.
Je me suis fixée des horaires, j’essayais de commencer à huit heures tous les matins, et je terminais en fin d’après-midi. Parfois, je m’y remettais aussi le soir. Mais la progression était très aléatoire…
Écrire un roman demande aussi de faire des choix. Il y a eu de nombreuses fois où j’aurais préféré profiter des vacances pour voir mes amis, me reposer, me balader… Mais il faut y consacrer du temps. Et c’est vrai que parfois, il faut faire des sacrifices ! Surtout au plus beau de l’été, quand j’ai envie de tout sauf d’être enfermée devant mon ordinateur. Mais toutes ces heures de travail ne pèsent rien face au bonheur de pouvoir partager ce roman avec des lecteurs. Quand j’ai reçu le livre, quand je l’ai tenu dans mes mains, imprimé, pour la première fois, j’ai ressenti une joie qui efface le reste, qui transcende tout.
Avec deux romans à votre actif comment envisagez-vous désormais l’avenir ? Avez-vous déjà de nouveaux projets d’écriture ?
Je ne suis sûre de rien, si ce n’est que je veux continuer d’écrire. C’est ce que j’aime par-dessus tout, et j’adorerais pouvoir en vivre, même si je suis consciente que c’est très dur.
Je sais aussi que les aventures de Petit Aigle sont terminées. Il m’a accompagnée jusqu’ici et il continuera toujours de vivre en moi, mais son histoire sur papier s’arrête là.
J’ai d’autres idées de romans mais je vais les laisser mûrir tranquillement, je ne suis pas prête à me replonger tout de suite dans l’écriture. Quand je suis dans un roman, il m’habite en permanence et mes personnages ne me quittent pas d’une semelle, c’est omniprésent… Alors je ne me sens pas de repartir en voyage tout de suite, je vais d’abord reprendre mon souffle !