J’ai toujours été attiré par la nature. Le fait d’avoir grandi et de vivre aujourd’hui dans le Sud m’a donné ce goût des grands espaces qui procure un sentiment de liberté absolu. Mer, montagne, forêt, jungle ou désert, la nature peut provoquer des sensations incroyables lorsqu’on se retrouve face à elle. Évoluer dans un milieu hostile est une sorte de défi, à l’occasion duquel on se mesure à beaucoup plus fort que soi. Il faut l’aborder avec humilité et respect. Et prudence aussi, car le risque est réel. Je crois que j’ai toujours aimé me mettre en danger. D’une façon raisonnée en faisant de la moto, de la plongée ou du ski hors-piste, mais en cherchant toujours à me confronter à mes limites. Un de mes amis m’a proposé d’essayer le base jump. On verra…
La scène inaugurale est terrifiante, entre le ride extrême de jeunes surfeurs et la découverte d’un corps congelé et entièrement nu…
J’ai voulu mettre en opposition le côté léger, aérien – même si c’est compliqué techniquement – d’un ride effectué dans un décor majestueux, et l’horreur d’une mort par congélation. Cette scène, elle m’est venue d’une image que j’avais au fond de moi depuis mon adolescence et la lecture de Frison-Roche. L’alpiniste congelé n’était pas entièrement nu mais la représentation que je m’en étais faite m’avait terriblement marqué.
De manière sous-jacente, votre roman questionne le lecteur sur le péril écologique et le chaos du monde. Il met en scène des militants radicaux, parfois border line, dans les ZAD ou les milieux survivalistes. Comment avez-vous abordé et documenté ce thème très actuel ?
Je pense que nous vivons une époque de grandes mutations. Le péril écologique n’est pas le seul. Il y en a beaucoup d’autres. Ce que l’on appelle le collapsionisme, concept qui pourrait s’apparenter à une sorte de fin du monde annoncée, tout au moins du monde tel que nous le connaissons, donne à imaginer ce que pourrait être la convergence des crises. Climatique, écologique, socio-économique… Si cela se produisait, comme certains l’envisagent, l’humanité pourrait revenir à l’âge de pierre, à la manière d’une dystopie. Le survivalisme répond à ces peurs. C’est une façon différente d’appréhender l’environnement et de se préparer au pire. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de nous
et de la planète dans les années à venir, mais ça me semblait intéressant d’aborder ces thèmes, a fortiori dans un thriller.
Vous croisez deux intrigues, deux enquêtes menées tambour battant par deux policiers marseillais, Paul Cabrera, d’un côté, et Chloé Latour, de l’autre. Deux personnages qui vous sont chers. Racontez-nous…
Paul est un des premiers flics que j’ai imaginés. Il avait la trentaine à l’époque où il faisait partie de la BAC Nord, mais même s’il a pris quelques années de plus et bosse maintenant à la Crime, il est resté fidèle à lui-même. C’est un flic de son temps, mais qui, par son éducation sicilienne, a conservé des valeurs à l’ancienne. Il protège sa famille, pourrait se sacrifier pour ses amis, respecte ses engagements et la parole
donnée… Ce n’est pas un intellectuel, plutôt un instinctif. Il est né à Marseille, dans un milieu simple, il est très humain, très direct, parfois un peu brut de décoffrage, sans faux semblants ni calculs. Si j’avais un cadavre à planquer, c’est à lui que j’irais demander un coup de main.
Chloé, en revanche, est beaucoup plus cérébrale. Elle est intelligente, fine, cultivée et porte une blessure en elle qui, sous sa carapace de commandante à la Crime, la rend fragile et vulnérable. Au contraire de Paul, elle n’est pas marseillaise. Elle est née à Grenoble, dans un foyer aisé, et n’aurait sans doute pas dû être flic, ce qui la contraint à se battre en permanence pour trouver ses marques dans un monde très éloigné de ses racines. Mais Paul et Chloé ont aussi des choses en commun. Tous deux font du sport et partagent les valeurs qui y sont attachées : l’effort physique, la souffrance parfois, le dépassement de soi. Et forcément une certaine forme d’honnêteté vis-à-vis de soi-même et des autres.
Vous restituez avec force l’atmosphère de la haute montagne, mais aussi les vallées sombres et austères, avec leurs secrets, leurs légendes. Comment avez-vous procédé pour atteindre ce réalisme, et quel lien entretenez-vous avec la montagne, vous qui vivez à Marseille ?
La montagne est, avec la mer, un pilier sur lequel je me suis construit depuis l’enfance. Marseille offre cette possibilité. Nous avons la Méditerranée devant les yeux, et les Alpes à trois heures de route. J’ai eu la chance de pouvoir accéder à ces merveilles très tôt. J’ai donc puisé dans mon vécu, mes expériences, mes émotions. Quant aux vallées, j’ai toujours été fasciné par la dose de mystère qu’elles véhiculaient. Des lieux isolés, où les habitants continuent à vivre en quasiautarcie, et où les histoires, les légendes, les craintes les plus
irrationnelles, circulent encore quand la nuit tombe. J’adore cette ambiance qui donne envie de se calfeutrer, bien à l’abri derrière les murs d’un chalet, de préférence devant un feu de bois, en regardant par la fenêtre la masse imposante des montagnes qui se découpe à l’extérieur. La nuit, le froid, le silence, et la densité de cette présence minérale stimulent mon imaginaire. Ce décor est un personnage en soi : j’ai envie de le cerner, de le décrire, pour évacuer la crainte qu’il m’inspire. Et puis j’ai été frappé par les romans de Stephen King, Misery ou Shining, ou encore Spectres de Dean Koontz : des intrigues terrifiantes situées dans des montagnes hostiles où rôdent les pires monstres qui puissent exister. J’en ai gardé, je crois, la trace.
Continuerez-vous à explorer des lieux « extrêmes » dans vos prochains romans ?
Le prochain roman mettra en scène Chloé uniquement, et Paul attendra le suivant dans une histoire que j’ai déjà en tête. Chloé, oui, sera confrontée à un autre univers extrême dans lequel elle devra lutter pour survivre. Elle devra également affronter ses démons, son histoire, ses traumatismes, et faire des choix difficiles.