Ma réponse ne sera probablement pas très originale, mais du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé inventer des histoires et imaginer des personnages, peut-être parce que j’étais assez solitaire et que c’était ma façon de peupler mon monde et de m’y sentir bien…
Il est vrai que la famille, qu’il s’agisse des relations parents-enfants ou des relations de couple en particulier, est toujours au centre des histoires que j’imagine. J’aime par-dessus tout chercher à comprendre la façon dont les êtres humains peuvent interagir entre eux au sein d’une cellule familiale : se faire confiance ou au contraire se trahir, être en harmonie ou au contraire se détruire les uns les autres, grandir et évoluer grâce à d’autres ou au contraire malgré leurs proches…
Quand une histoire me vient en tête, ce qui m’intéresse le plus, en réalité, c’est de trouver comment je vais la raconter : qui seront le ou les narrateurs, quelle sera la temporalité et la chronologie de l’histoire, à quelles informations le lecteur aura-t-il accès et quels éléments lui seront dévoilés au fur et à mesure… Il peut y avoir une histoire, et cent manières de la raconter. Ce qui est essentiel pour moi, c’est le parti pris par l’écrivain pour narrer son histoire.
J’ai grandi dans une famille où les livres prenaient une place immense. Le bureau où travaillaient mes parents, enseignants en anglais, était rempli de romans et de dictionnaires en tous genres, ainsi que de livres en anglais. Si je devais me rappeler une sortie régulière quand j’étais enfant, ce serait le mercredi ou samedi après-midi passé à fureter dans les rayonnages de la bibliothèque de Villeneuve d’Ascq pour emprunter des dizaines de romans…
Ma mère m’a toujours dit que jusqu’à cinq ans, j’étais une enfant turbulente et difficile à occuper et canaliser. Puis j’ai su lire, et à partir de ce moment-là, mes parents ont pu souffler. Je n’ai pas de souvenir de cela, mais ça ne m’étonne pas particulièrement, car j’ai toujours trouvé beaucoup de réconfort et de bonheur dans la lecture. Tout ce que je ne trouvais pas dans le monde réel, je le trouvais dans les histoires que je lisais. Tous les amis que je n’avais pas dans le monde réel, je les trouvais dans les romans que je dévorais.
J’ai eu la chance – je trouve vraiment qu’il s’agit d’une chance, car, aujourd’hui, je pense qu’on cherche beaucoup à contrôler ce que lisent et voient nos enfants au lieu de les laisser trouver leur propres limites – d’avoir des parents qui me laissaient choisir les livres que je voulais à la bibliothèque. J’ai commencé très tôt à écumer l’étage « Adultes », parce que je ne trouvais plus suffisamment de lectures qui me plaisaient dans le secteur jeunesse. J’ai découvert Stephen King à l’âge de dix ou onze ans ; je me souviens parfaitement d’avoir lu Jessie à cet âge-là : ma petite sœur était encore bébé. Je sais que c’est cet auteur-là en particulier, même s’il y en a eu beaucoup d’autres que j’ai aimés, qui m’a marquée, et je suis assez persuadée que mon attirance pour le noir vient de ses romans qui ont peuplé mon enfance et mon adolescence.
Avez-vous suivi des études ? Lesquelles ? Et des métiers… lesquels avez- vous exercé ? Et aujourd’hui encore ?
J’ai mené en parallèle des études d’histoire et d’anglais, avant d’entrer, un peu par hasard sans doute, dans la fonction publique territoriale, où j’ai été chargée de communication au sein de différents services.
J’ai également, durant plusieurs années, été traductrice dans le domaine de l’audiovisuel : auteur de doublage pour des séries et des dessins animés adaptés en français, traductrice de documentaires télévisés…
Puis il y a eu l’écriture de mon premier roman, Fidèle au poste, et la chance que j’ai eue lors de sa sortie. Aujourd’hui, je dirais que j’ai le sentiment d’être dans un perpétuel entre-deux : je me consacre à l’écriture, sans forcément savoir de quoi demain sera fait et si je serai amenée à recommencer à jongler entre différentes activités !
Avez-vous d’autres passions que l’écriture ?
À vrai dire, entre ma vie de famille et l’écriture, je n’ai plus beaucoup d’espace pour d’autres activités. Mes enfants sont encore petits, et s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que je ne voudrais surtout pas me réveiller un matin et me rendre compte que je ne les ai pas vus grandir et que leur enfance fait désormais partie du passé. J’estime déjà avoir une chance inestimable de pouvoir, pour le moment et pour le temps que ça durera, me consacrer à l’écriture. D’avoir suffisamment de temps (même si on n’en a jamais assez !) et de disponibilité d’esprit pour imaginer et créer, pour pouvoir à la fois travailler sur mes romans adultes et sur des projets jeunesse qui comptent tout autant…
Un projet que j’aimerais beaucoup mener à court ou moyen terme serait d’animer des ateliers d’écriture, pour pouvoir partager et propager cette passion !
Et, quand mes enfants seront plus grands, je reviendrai peut-être à une autre passion que j’ai beaucoup laissé de côté ces dernières années : l’urbex. L’exploration et la photographie de lieux désaffectés, oubliés de tous. C’est un univers qui me fascine, ce sont des endroits où l’ambiance de fin du monde qui règne est absolument incroyable et assez indescriptible, qu’il s’agisse d’anciennes prisons, d’anciens sites industriels, de demeures abandonnées… Parfois, on découvre un endroit où la vie semble s’être retirée d’un seul coup, sans prévenir, et il y a quelque chose de très émouvant à y pénétrer, à imaginer comment les choses étaient, avant…
Etes-vous engagée dans une association, une cause ?
J’ai longtemps été investie dans deux associations, qui restent très chères à mon cœur même si ma vie de famille a exigé que je mette en pause mes engagements.
Il y a Greenpeace, pour laquelle j’ai coordonné l’antenne de Lille durant plusieurs années, association au sein de laquelle j’ai vécu des expériences extrêmement fortes. Je crois très fort à la désobéissance civile et au pouvoir, au devoir, qu’on a tous de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard.
Il y a également Les clowns de l’espoir, où j’ai été Marchand de sable à l’hôpital, en oncopédiatrie, durant quelques années également. Essayer de faire un peu rêver des enfants enfermés entre quatre murs d’une chambre d’hôpital est radicalement différent de l’engagement écologique que j’ai pu avoir en parallèle, et pourtant, les choses que j’ai vécues, les émotions que j’ai ressenties et partagées avec certains enfants et avec mon « binôme » sont étrangement très similaires. Ce sentiment, parfois, d’être en connexion avec d’autres êtres humains, d’être en empathie. Je ne sais pas comment décrire ça ; cette impression de faire partie d’un tout, d’être une minuscule partie de quelque chose de bien plus grand et bien plus essentiel…
Parlez-nous de vos coups de cœurs littéraires, des livres qui vous ont donnés envie d’écrire…
Enfant, j’ai passé des heures avec les trois jeunes détectives, d’Alfred Hitchcock, avec l’univers extraordinaire de Roald Dahl, avec la saga des Enfants Tillerman, de Cynthia Voigt. Puis avec Stephen King, donc. Aujourd’hui, je lis beaucoup moins qu’avant, faute de temps, mais si je devais parler de quelques auteurs contemporains que j’aime tout particulièrement, je citerais Laura Kasichke, Liane Moriarty et Grégoire Delacourt. Si je devais citer quelques romans contemporains qui m’ont marquée, ce serait Nous rêvions juste de liberté de Henri Loevenbruck, Lait et miel de Rupi Kaur, Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, Le gang des rêves de Luca Di Fulvio, et Windows on the world de Frédéric Beigbeder…