Babylone est la capitale d’un immense empire qui s’étend de la Méditerranée au golfe Persique. Son seul nom évoque un passé prestigieux, des monuments somptueux comme l’impressionnante porte d’Ishtar et la ziggurat – la tour de Babel –, ou les fameux jardins suspendus. Le nouveau souverain, Nabonide, est l’instigateur d’une prouesse architecturale : un pont en pierre sur l’Euphrate. Ce roi, personnage complexe, est à la fois un homme religieux et un « archéologue ». Il délaisse le dieu Marduk, protecteur de Babylone, pour le dieu de la Lune, Sîn, au grand dam des Babyloniens. Sa quête du passé mobilise son énergie au détriment de celle qu’il devrait consacrer à la Cité.
Quels sont les enjeux et les principaux protagonistes ?
Jalousie, vengeance, ambition, jamais la légendaire Babylone n’avait autant tremblé. Aucun des nouveaux venus, proches du pouvoir, ne semble agir sans dissimuler une sombre raison. Au palais, des tensions entre le roi et son fils mettent en péril l’ordre de la Cité. Le fils du roi, Bel-sar-usur, est un homme charismatique et ambitieux. Il souhaite succéder à son père, âgé, sans trop attendre. Séducteur, il se place dans des situations périlleuses sans se douter réellement de l’ampleur du danger qu’il court. Le jeune général en chef des armées babyloniennes, Nungal, rentré victorieux de la dernière campagne de Cilicie, veut s’imposer auprès du roi, mais un secret de guerre le freine dans ses élans. Quant à son épouse, Laliya, elle n’hésite pas à se lancer dans l’action au péril de sa vie. Sans compter les dérives mortelles des autres personnages, soumis à leurs passions.
Comment avez-vous mené vos recherches sur le plan historique pour offrir un tel luxe de détails ?
Les fouilles faites à Babylone et dans la région ont livré des milliers de tablettes d’argile. Traduites par les assyriologues, elles ont révélé la marche de la société et le quotidien des Babyloniens. La lecture des œuvres majeures et les récentes parutions nous ont permis d’en apprendre plus sur le règne de Nabonide, sur la médecine, l’alimentation, les activités artisanales dont la fabrication de la pourpre est un exemple étonnant. Seul un coquillage ramassé sur les rives de la Méditerranée permet d’obtenir cette teinture rare. Nos visites au musée Pergame à Berlin ont « donné chair » à nos connaissances livresques.
On s’aperçoit que les femmes jouent un rôle très important dans la société Babylonienne. Elles peuvent conseiller le roi, être scribes, orfèvres… Parlez-nous d’Adad-guppi ou encore de Laliya…
Deux des personnages féminins jouent un rôle essentiel, l’une pour sa clairvoyance et l’autre pour son intelligence et son audace. Adad-guppi, la mère du roi, est un personnage unique dans l’histoire babylonienne. Elle est morte centenaire et a passé une grande partie de sa vie auprès des souverains de Babylone comme « conseiller », notamment de Nabuchodonosor II. Elle a joué un rôle actif dans l’accession de son fils au pouvoir.
Laliya, l’épouse du général Nungal, est une jeune femme de caractère. Elle s’apprête à devenir scribe, ce qui est rare mais pas impossible à Babylone. En l’absence de son époux qu’elle aime profondément, elle gère tous leurs biens comme le font aussi d’autres femmes. Du reste, les Babyloniennes exercent différents métiers : elles peuvent brasser la bière et posséder un cabaret, pratiquer un artisanat d’art comme le tissage ou l’orfèvrerie… La loi les protège contre les mauvais maris comme ils protègent les maris des femmes infidèles. Et bien entendu, les Babyloniens vénèrent Ishtar, la déesse de l’Amour et de la Guerre.
Crimes, complots, vengeances, vous multipliez les fausses pistes dans un roman qui piège le lecteur comme dans un labyrinthe. Cette dimension « polar » vous a-t-elle particulièrement motivées ?
Nous sommes fascinées par les personnages qui nous entraînent dans leurs passions jusqu’à la déraison. Oui, car le « polar » fonctionne comme un système où les intrigues s’emboîtent telles les pièces d’un jeu de construction : imagination, plans démoniaques, retournements de situation… Et nous oblige à ruser pour déjouer les manipulations perverses des sombres héros…
La sensualité et l’érotisme sont également très présents au fil de vos pages. Babylone était-elle connue pour sa liberté de mœurs ?
Hérodote, un historien grec (ve siècle av. J.-C.) décrit Babylone comme une ville où des femmes lascives et dénudées s’offriraient au premier venu. Les chrétiens, eux, ont fait de Babylone la « Grande Prostituée », la ville où tous les vices seraient permis. Or, ces représentations ne sont pas exactes. Les Babyloniens et les Babyloniennes vivent pleinement leur sexualité. Il n’y a ni tabous ni interdits sexuels à partir du moment où les partenaires sont consentants. L’homosexualité n’est pas considérée comme une déviance. L’attirance sexuelle joue, pour nos héros, un rôle majeur, ce qui a toujours été le cas depuis la nuit des temps !
Le site de Babylone a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2019. Les fouilles ont-elles repris ?
À Babylone, la priorité est aujourd’hui de préserver et de restaurer le site antique endommagé par les conflits successifs, les constructions monumentales et, pour le moins hasardeuses, de Saddam Hussein, et les pillages. Après des années d’absence, les archéologues sont récemment revenus en Irak, les campagnes de fouille ont repris notamment à Larsa, au sud de Babylone.
Comment travaillez-vous ensemble pour écrire vos romans.
La trame générale du roman est d’abord discutée à deux afin de décider de la colonne vertébrale historique du livre. Pour celle qui écrit, il y a, dans les intrigues, des chemins balisés mais aussi quelques surprises. Les personnages peuvent « décider » de sortir de leur rôle et entreprendre des actions inattendues. Le dialogue permet alors soit de les recadrer, historiquement, soit de les accompagner dans leurs désirs de liberté.
Envisagez-vous une suite au Temps de la vengeance ?
Elle est en préparation, car nous ne pouvons abandonner nos personnages à leur sort. L’astrologie babylonienne y jouera un rôle majeur. On y découvrira aussi des territoires de l’Arabie…